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luni, 3 februarie 2014

Le haïku japonais au 20ème siècle (4)



7 – Haïku à la fin du 20ème siècle (1970-)

            7.1 Après le haïku d’avant-garde (1970-)

Dans l’art et la littérature de la fin du 20ème siècle, la nouveauté, qui avait été recherchée depuis la fin du 19ème n’est plus une préoccupation absolue. C’est vraiment la fin du Modernisme, et dans les années 1980, le Post-modernisme devient prépondérant, avec des sens de valeur divers. Le contraste est grand avec le début du siècle, où il était rare que l’art et les activités littéraires émergent dans des mouvements internationalement unifiés. Les sujets de l’art se sont déplacés vers l’expression d’une conscience individuelle et intime. De la même façon, alors que le haïku au Japon s’était développé à travers des mouvement collectifs, il devient plus individualiste durant cette période.

Dans les années 1980, l’économie du Japon se développe étonnamment. Depuis le début de l‘ère Meiji, le niveau de vie des Japonais n’avait pas été élevé ; cependant, après les années 80, le niveau rejoint celui des pays occidentaux. Ces changements sociaux modifient aussi la conscience des thèmes du haïku. Parallèlement au développement de l’économie, les sujets littéraires deviennent plus difficiles à envisager pour les poètes. Du mouvement du haïku d’avant-garde jusqu’à aujourd’hui, les courants d’innovation et d’expérimentation dans le haïku disparaissent, et dans la stabilité du conservatisme, le haïku est conduit vers une forme intime et une expression plus profonde. Cependant, quelques poètes recherchent une plus grande qualité poétique, en accord avec les idées et la   pensée moderne, en mettant en jeu des études phénoménales, des principes de composition et de post-composition. Ces travaux de haïku sont le fait d’individus, en grande partie.

Dans les années 1970 viennent s’ajouter aux poètes des années 50 et 60 Hakuko Iijima (1921-2000), Biwao Kawahara (1930-) Kiyoko Uda (1935-), Kôji Yasui (1936-), Sumiko Ikeda (1936-) et d’autres. De l’école traditionnelle, Sumio Mori (1919-), Ryûta Iida (1920-2007) et Shugyô Takaha (1930-) publient des haïkus avec mot de saison. Depuis les années 1980, les poètes nés après 1940 et 1950 ont été actifs dans le haïku et les essais critiques : Nana Naruto (1943-), Yukihiko Settsu (1947-1996), Bansei Tsukuchi (1950-), Michio Nakahara (1951-), Kai Hasegawa (1954-), Ban’ya Natsuishi (1955-) et Hiroaki Tanaka (1959-2004).

Tout au bout
des champs flétris, le bateau a brûlé
et du sel est parti
Kôji Yasui

Mouillant les pas…
tout à coup midi
est arrivé
Yukihiko Settsu

            7.2 La popularisation du haïku (1980-)

Durant les années 1980, c’est la grande prospérité économique au Japon, la bulle économique. Il y a une expansion généralisée, et chacune des trois association de haïku se développe beaucoup. Ainsi les membres appartenant à ces trois grandes association atteignent le nombre de 2000. En ajoutant les poètes qui n’appartiennent à aucune organisation, on estime le nombre total de haïkistes au Japon à 1 million. Ce nombre dépasse largement le nombre total de poètes de tanka ou de poème libre au Japon. Les petites revues de haïku ont atteint le nombre de 800. Avec l’augmentation du nombre de personnes qui écrivent des haïkus survient le « haiku boom » et une industrie du haïku se développe.

Beaucoup d’institutions d’éducation pour adultes proposent des cours de haïku aujourd’hui et beaucoup de journaux commerciaux de haïku ont été créés. Le nombre de femmes poètes de haïku a considérablement augmenté et dans chaque association, elles représentent plus de 60% des membres.

Une autre tendance dans le monde du haïku à la fin du 20ème siècle est la diversité de l’âge des poètes. D’un côté, beaucoup de poètes on avancé en âge ; d’un autre côté, non seulement des adultes, mais aussi des enfants et des jeunes gens écrivent du haïku. Par exemple, une firme de boisson a fait chaque année un appel à des haïkus d’enfant et récemment plus d’1,5 millions de haïkus, avec ceux des adultes, ont été reçus. Alors que les enfants et les fans de haïku écrivent surtout avec des expressions familières et ne sont pas attachés à l’usage des mots de saison, ils tendent à rester très conscients de la forme fixe 5-7-5. Dans les concours de haïku qui ont lieu un peu partout au Japon, les poèmes sont soumis par une large tranche d’âge.

            7.3 Internationalisation du haïku (1980-)

Le haïku a été introduit en Europe il y a une centaine d’années, à la fin du 19ème siècle, sous l’influence du japonisme. Des occidentaux qui avaient visité le Japon et y avaient vécu, comme W.G. Aston (1841-1911), Lafcadio Hearn(1850-1904), B.H. Chamberlain (1850-1935) et Paul-Louis Couchoud (1879-1959) introduisent le hokku (haïku) dans le monde grâce à leurs écrits, comme des épigrammes exceptionnellement courtes ou des poèmes brefs, fin 19ème et début 20ème.

 Cependant, à l’époque, peut d’attention est portée au haïku. A travers le mouvement de l’imagisme d’Ezra Pound dans les années 1910, et après les sérieuses introductions de Harold Henderson (1888-1974) et R.H. Blyth (1898-1964), le haïku est largement reçu comme un poème court, d’abord dans les pays occidentaux. Après la guerre, beaucoup de manuels de haïku et de traductions sont publiées, et depuis, le haïku s’est largement  répandu dans l’ensemble du monde. Aujourd’hui, un grand nombre de gens dans le monde écrivent des haïkus dans leur langue maternelle. Quant aux caractéristiques du haïku écrit en langue étrangère, beaucoup tendent à ne pas s’attacher aux mots de saison ou à la forme fixe, comme les 17 syllabes, ou bien avec difficultés, mais s’écrivent principalement en poème de 3 lignes. Ceci doit servir d’indice pour une réflexion sur l’universalité du haïku, qui transcende le temps et l’espace.

À la fin du 20ème siècle, les interactions entre poètes autour du monde augmentent et les organisations de haïku au Japon commencent à porter attention aux échanges internationaux. En 1989, Kokusai Haiku Kôryû Kyôkai (Association internationale de haïku) et en 2000, Sekai Haiku Kyôkai (Association mondiale de haïku) sont créées. Récemment, à côté des échanges directs dans les concours internationaux ou les colloques, les échanges par Internet ont accéléré l’internationalisation du haïku.

Un escargot
Rêve un rêve bleu
Sur le dos d’une feuille
R.H. Blyth

8 – Du 20ème siècle vers le futur, conclusion (Din secolul xx în viitor, concluzie)
À la fin du 19ème siècle, le haïkaï, forme littéraire traditionnelle de la période Edo, portait un esprit particulier, mais fut transformé en une forme littéraire moderne, à travers les innovations proposées par Shiki Masaoka. Le 20ème siècle a été le temps de la recherche d’un réponse à cette question : comment le haïku, poésie traditionnelle ressuscitée, pourrait-elle trouver les raisons d’exister comme forme littéraire moderne.

Au début du siècle particulièrement, en réponse aux courant de l’époque, de nombreuses expérimentations sont faites pour apporter de nouvelles possibilités d’expression dans le haïku, alors qu’il existe aussi de nombreux poètes conservateurs qui ne souhaitent pas s’éloigner du style traditionnel reçu en héritage. Dans cette tension de rivalité entre réformateurs et conservateurs, le haïku a continué à se développer comme un style de poésie courte moderne avec une forme fixe. Cependant, à partir de la fin du 20ème siècle, l’esprit d’innovation est devenu plus faible et une seule condition stable s’est maintenue : l’attention des poètes sur des thèmes liés au monde intime de leur âme propre. Il semble que les expériences d’innovation du haïku au 20ème siècle aient accompli un cycle complet. Nous somme maintenant à un point où une évolution future est difficile à saisir. Cela pourrait être une époque semblable à la « nuit » qui a précédé les innovations d’il y a cent ans. En cela, nous devons être à une sorte de moment de transitions, aujourd’hui. Où se tient l’avancée du haïku dans le 21ème siècle ? S’il n’y a pas une interprétation totalement nouvelle, similaire à al réforme du 20ème siècle, alors le sens du haïku dans ce siècle nouveau va fortement diminuer. La popularisation et l’internationalisation du haïku qui se développent pourraient avoir une grande influence sur le développement du haïku futur. A coup sûr, la direction future du haïku ne deviendra pas claire avant plusieurs années encore, au moins jusqu’à ce que nous avancions davantage dans le courant du siècle.

Le haïku japonais au 20ème siècle (3)



5 – Reprise après la guerre (1945 – 50)

            5.1 Débat autour de « Daini Gajutsu » (Le haïku, art secondaire) (1946)

En 1946, l’année qui suit la fin de la guerre du Pacifique, un essai, « Daini Geijutsu » (L’art secondaire- sur le haïku moderne) est publié par un critique littéraire, Takeo Kuwabara. Cet essai critique le haïku et le tanka traditionnel. Après la guerre, la plupart des japonais pensent que le Japon doit acquérir une façon de voir internationale, et donc que la culture japonaise doit être modernisée. En premier lieu, l’auteur soutient qu’il serait difficile de distinguer entre des haïkus écrits par un poète important et par un poète inconnu dans des conditions d’anonymat. Il en conclue que l’importance d’un écrivain de haïku se base sur des critères pré-modernes, comme le nombre d’élèves ou le nombre de publications dans une revue, plutôt que sur la qualité de son travail. Et l’essai conclue donc au haïku comme un art secondaire, distinct de l’art véritable, car le haïku, plutôt qu’un art, serait une sorte d’exercice de compétence. Cette négation du haïku secoue le monde du haïku plus sévèrement que ne l’avaient fais les « haiku jiken » (incidents dans le haïku). La plupart des groupes engagés dans le haïku discutent cet essai, soulignant l’absence de connaissance du haïku de l’auteur, Kuwabara.

Cette théorie « Daini Geijutsu » aurait pu avoir du succès à l’époque du rejet par Shiki du « tsukinami haiku » (haïku commun). Elle crée la sensation, mais ne parvient pas à briser la tradition pré-moderne du haïku. Quoiqu’il en soit, elle donne une opportunité aux poètes pour rénover leur position vis-à-vis du poème.

            5.2 « Kongen Haiku » (Haïku essentiel) et le groupe Tenrô (1948-)

Seishi Yamaguchi, après avoir quitté Hototogisu en 1935, avait rejoint la revue Ashibi, de Shûôshi, et inauguré une nouvelle voie d’écriture du haïku. En 1948, à la suite d’une dispute littéraire, Seishi abandonne Ashibi et crée la revue Tenrô avec les poètes du mouvement « Shinkô haiku » : Sanki Saitô, Fujio Akimoto, Seitô Hirahata, Sôshô Takaya, Akira Mitani, et leurs élèves, takako Hashimoto et Fuyuichirô Enomoto (1913-1982). D’autre part, Kôi Nagata (1900-1997), Hakkô Yokoyama, Hideo Kanda (1913-1993),
 Onifusa Satô (1919-2002 et Kin’ichi Sawaki (1919-2001) se joignent au groupe Tenrô. Des douzaines de poètes importants du mouvement « Shinkô haiku » rallient la revue Tenrô.

Dans le premier numéro de la revue, Seishi suggère qu’il faudrait rechercher « kongen », l’essence du haïku et ce mot devient une devise. Chaque membre tente d’écrire un haïku essentiel selon sa propre compréhension et utilise des façons différentes du haïku moderne, en tendant vers une plus grande profondeur de réflexion.

Ne pourrait-on améliorer                      
une part de l’arc-en-ciel                       
d’une certaine façon                             
Seishi Yamaguchi

Casser une noix –
tenu hors des innombrables mots
de la Bible
Seitô Hirahata


6 – Période de l’avant-garde (1950-1970)

            6.1 Socialisme dans le haïku (1955-)

L’idée que les conceptions socialistes devraient aussi s’exprimer dans le haïku avait été soutenue avant la guerre par le mouvement du haïku prolétarien, dans le « Shinkô haiku ». Sous l’influence des idées libérales de la période après-guerre, la pensée socialiste et l’expression politique s’étentent au haïku. Quand Kin’ichi Sawaki, en 1954, soutient dans la revue Kaze (Kin’ichi Sawaki, Kôhei Haraka, 1919-2004, Murio Suzuki, 1919-2004 et Tsuguo Andô, 1919-2002) la nécessité d’une idéologie socialiste dans le haïku, Tôta Kaneko l’approuve et un débat s’ouvre dans le monde du haïku à propos de socialisme. Tandis que les poètes du « Ningen tankyû-ha » (école de recherche humaine) sont en quête de la nature socialiste des êtres humains, les poètes de gauche de la revue Haiku-jin promeuvent le thème du travail et des lieux ouvriers dans le haïku.

La voie lactée…                       
coulant partout à travers           
un pays montagneux                 
Kin’ichi Sawaki

De la vue
de l’homme qui fut abattu
nous avons aussi disparus
Murio Shuki

6.2 Mouvement du haïku d’avant-garde (années 1960)

Dans les années 1955-1964, le Japon laisse derrière lui la confusion de la période d’après-guerre et connaît une forte croissance économique et sociale. Dans le même temps, les inquiétudes de la société japonaise augmentent à cause de la guerre américaine au Vietnam et des problèmes posés dans la vie quotidienne par le traité de sécurité USA-Japon. Face à cette évolution, le mouvement du haïku d’avant-garde cherche de nouvelles possibilités dans le haïku pour la seconde moitié du 20ème siècle. 

En littérature, durant l’ère Showa (1926-1989), autant spirituellement que réellement, les individus ne pouvaient travailler ou exister indépendamment de leur relation à la société. Deux éttitudes résultent de cette dynamique sociale : l’une tente de se relier positivement à la société, l’autre tente de se séparer de la société et de conserver la beauté poétique dans son travail. Des revues comme Kaitei, Haiku Hyôron, Nawa, Junana-on-shi et Mikan Genjitsu développent leur propre haïku d’avant-garde. Ce sont deux approches typiques de l’époque.

Au cours du débat sur le socialisme dans le haïku autour de 1955, Tôta Kaneko propose le « Haiku Zôkei-ron » (Méthode de construction du haïku). Il suggère que le nouveau haïku devrait se construire à partir de l’intérieur de soi, mais en relation avec la société. Les poètes qui font leur cette idée se réunissent dans la revue Kaitei, créée en 1962. Ce sont Haruto Kuma (1915-1990), Kineo Hayashida (1924-1998), Ashio Hori (1916-1993), Futoshi Anai (1926-1997), Sunao Inaba (1912-1999), Mikajo Yagi (1924-), Kan’ichi Abe (1928-), Ryô Shimazu, et d’autres.

Un autre groupe d’avant-garde actif est l’école nommée « artistique », qui mène une recherche sur l’esthétique de l’expression dans le haïku. Shigenobu Takyanagi (1923-1983), le principal poète de cette école, crée la revue Bara en 1952, regroupant Kakio Tomizawa, Takajo Mitsuhashi, Tôshi Akao (1925-1981), Shigeo Washizu. Usant des méthodes du symbolisme et du Surréalisme français, et quelquefois de la beauté des œuvres littéraires japonaise classiques, ils expriment le sens de la crise de l’époque pour développer l’esprit du début du mouvement « Shinkô haiku », à partir de leurs propres principes esthétiques. La revue Bara se transforme en Haiku Hyôron, avec de nouveaux membres : Sôshû Takaya, Kôi Nagata (1900-1997), Toshio Mitsuhashi, Ikuya Katô (1929-), Kanseki Hashi (1903-1992), Sonoko Nakamura (1913-2001) et Akira Mitani. Shigenobu Takayanagi publie ses haïkus en quatre lignes, comme « tagyô-gaki –forme à plusieurs lignes), contrairement à la forme en une ligne japonaise conventionnelle ; il essaye d’utiliser des mots que se renforcent l’un l’autre ou résonnent entre eux de façon plus belle.

Les deux écoles du haïku d’avant-garde écrivent leur haïku dans une forme fixe. Cependant, chacun essaye d’utiliser librement le haïku sans saison. Ce style se développe largement et, en ce snes, on peut dire que les mouvements du haïku d’avant-garde ont ouvert de nouvelles possibilités dans le style du haïku.

Tortillé et brûlé                         
au point d’impact de la Bombe…                                             
un marathon
Tôta Kaneko

Le soleil descend…                  
es mots appellent                      
une chaîne de montagne            
Shigenobu Takayanagi

            6.3 Associations de haïku (Seconde moitié du siècle)

Gendai Haiku Kyôkai (Association du haïku moderne) est créée en 1947 par Sanki Saitô, Hakyô Ishida, Hideo Kanda, et d’autres. Les membres fondateurs sont 38 poètes auxquels se joignent d’autres plus jeunes par la suite. En 1961, du fait d’un désaccord dans l’association entre les réformateurs et la vieille école, la plupart des conservateurs s’en vont et créent Haijin Kyôkai (Association des poètes de haïku). 

À Partir de là, Gendai Haiku Kyôkai accepte tous les styles de haïku, incluant le style traditionnel des poètes qui sont restés, les haïkus sans saison et les formes libres. Par contre, la nouvelle Haijin Kyôkai admet seulement le haïku de forme fixe traditionnelle avec mot de saison. Ensuite, en 1987, Nihon Dentô Haiku Kyôkai (Association du haïku japonais classique) est créée par des poètes venus de Hototogisu qui ont pris leur distance avec les deux associations précédentes et qui pratiquent « kachô fuei » (la beauté de la nature), recommandée par Kyoshi. Les trois associations se sont développées avec leur buts propres et comptent beaucoup de membres aujourd’hui.

Quant aux journaux de haïku commerciaux, Haiku Kenkyû a été publié pour la première fois en 1934. En 1952, Haiku est créé. Les deux existent jusqu’à aujourd’hui. Le développement de ces journaux commerciaux a participé aussi au monde du haïku.

Le haïku japonais au 20ème siècle (2)



4 – Modernité – Tournant dans le haïku (1930-45)

            4.1 Ashibi et l’arrivée du « Shinkô haiku (Haïku de style nouveau) (1931 -)

Dans les années 30 (début de la période Shôwa) émerge un autre mouvement innovant qui tend à définir le haïku comme un poème moderne avec un esprit universel, en opposition au groupe de Kyoshi qui réduisait le haïku à un poème traditionnel, en relation avec la seule beauté de la nature. Un poète des quatre S, Shûôshi Mizuhara, évolue vers une opinion différente en matière de haïku, définissant son propre style subjectif opposé au « kyakkan shasei » ou« kachô fuei » de Kyoshi. 

La revue Ashibi, dirigée par Shûôshi, est à l’origine affiliée à Hototogisu. Shûôshi publie l’essai « Vérité dans la Nature et vérité dans la Littérature », et critique l’insignifiant « kyakkan shasei » de Sujû et d’autres poètes de Hototogisu. En 1931, Shûôshi se sépare de Hototogisu. Un mouvement anti tradionnaliste « Shinkô Haiku » voit alors le jour. Suite à cet incident, Ashibi rompt avec Hototogisu et met l’accent sur une expression lyrique romantique à travers le « rensaku haiku » (haïku lié), que Shûôshi avait déjà tenté en 1928 dans Hototogisu.

De jeunes poètes comme Sôshû Takaya (1910-1999), Tatsunosuke Ishibashi (1909-1948), Hakyô Ishida (1913-1969) et Shûson Katô (1905-1993) se rallient à Ashibi, et en 1935, Seishi Yamaguchi, autre poète des Quatre S, quitte Hototogisu pour rejoindre ce groupe.

Attendant le bus                                   
printemps sur la large avenue                
Je n’ai pas de doute                             
Hakyô Ishida

Un pigeon sauvage !                             
Regarde, et tout autour             
la neige tombe                                      
Sôshû Takaya

            4.2 « Muki Haiku (Haïku sans saison) avec le mouvement « Shinkô Haiku » (1930 -)

A l’ère Showa, les idées occidentales pénétrant au Japon ont un impact presque immédiat sur le haïku, alors que leur effet avait été différé sur le haïku traditionnel durant l’ère Meiji. De fait, l’individualisme, l’esprit fondamental de la modernité, est déjà bien établi au Japon. La recherche de thèmes libres dans le haïku est liée à l’individualisme et précède le mouvement surréaliste en Europe. Dans le courant de pensée de l’époque, les esprits en recherche de liberté entreprennent de remettre en cause l’idée traditionnelle de la présence indispensable du mot de saison dans le haïku. En fait, dans la prise de conscience du vécu, les mots de saison requis pour le haïku semblent être des éléments artificiels. Il y a également un problème avec les mots de saison dans le « rensaku haiku ».

Dans les débuts du mouvement « Shinkô haiku », on compose beaucoup de « rensaku haiku ». Dans le rensaku, il arrive que plusieurs mots de saison soient présents, ou bien aucuns. Cela fait naître des arguments pour l’existence du « muki haiku «  (haïku sans saison). Au tout début du « Jiyuritsu haiku », considérant tous les éléments structurels du haïku, notamment les mots de saison et la forme fixe, le mouvement accepte les haïkus sans saison, ainsi que la destruction de la forme fixe. Par contre, pour le mouvement du « Shinkô haiku, la discussion se focalise sur le mot de saison seul, et donc le haïku sans saison est accepté avec la forme fixe.

            4.3 Autres revues du mouvement du « Shinkô Haiku » - la période principale (1930 -)

La revue Amanogawa, créée en 1918 et dirigée par Zenjidô Yoshioka (1889-1961) est un autre espace de développement du mouvement « Shinkô haiku » en lien avec Ashibi. Amanogawa est aussi affiliée à Hototogisu, mais à partir de la fin des années 1920, elle soutient le mouvement du « Shinkô haiku ». Dès 1935, Zenjidô soutient le mouvement anti-traditionnel, mené à l’origine par Shûôshi, pour un haïku sans saison. Amanogawa fait connaître des poètes tels que Hakkô Yokoyama (1899-1983) et Hôsaku Shinohara (1905-1936), et forme un autre centre de modernisation du haïku.

La revue Kikan (créée en 1935), dirigée par Sôjô Hino, qui fait partie du comité de sélection de Hototogisu, tend vers des thèmes libres et non conventionnels de la littérature moderne, et mène le mouvement du haïku sans saison. Kakio Tomizawa (1902-1962) écrit des haïkus exprimant la solitude de l’âme au-delà des thèmes saisonniers. Il crée un style nouveau dans le haïku, lié à la poésie moderne. Sanku Saitô (1900-1962), Saishi Kamio (1911-1997) et Tôshi Katayama (1912-1944) publient aussi avec ce nouveau style dans Kikan.

Kyodai haiku, revue créée en 1933 par les groupes impliqués dans l’Université de Kyoto (Kyodai) est aussi influencée, à l’intérieur du groupe de Hototogisu, par le modernisme et accepte les haïkus sans saison. Parmi ses membres : Seitô Hirahata (1905-1997), Hakubunchi Inove (1904-1945), Sayû Togô (1908-1991) et Eibô Nichi (1910-1993). À côté de ceux-ci, des poètes non impliqués dans l’Université de Kyoto rejoignent la revue : Sanki Saitô, Akira Mitani (1911-1978), Hakusen Watanabe (1913-1969), Sôshû Takaya, Tatsunosuke Ishibashi et Toshio Mitsuhashi. Kyodai Haiku devient le nouveau soutien de la liberté dans le mouvement du « Shinkô haiku ».

La revue Ku to Hyoron, créée en 1931 par Jizôson Matsubara (1897-1973), Hatsumi Fujita (1905-1984) et Yôichiro Minato (1900-2002) devient une revue de Shinkô haiku vers 1935. Les plus connus de ses membres sont Hakusen Watanabe et Genji Hosoya (1906-1970).

La revue Dojo, créée en 1922, est dirigée par Seihô Shimada (1882-1944). Kayao Furuya (1904-1083) et Kyôzô Higashi (1901-1977) y publient leurs haïkus sans saison.

Un malade des poumons                                  
Une luciole venue d’un autre monde                  
éclaire sa main                                                  
Hakkô Yokoyama

La tête d’un crapaud                            
pénètre le rêve                                     
d’un malade du typhus              
Sayû Tôgo

            4.4 « Ningen Tankyû-ha » (Ecole de la recherche humaine) (vers 1935)

Vers 1935 apparaît un groupe de haïku différent de l’orientation des courants sociaux ou de l’expression artistique du « Shinkô haiku », et qui se démarque du goût pour la nature et les thèmes saisonniers des écoles traditionnelles. Leurs haïkus introduisent l’idée nouvelle d’explorer l’être humain, mais ils sont difficiles à comprendre et à apprécier. Hakyô Ishida et Shûson Katô, de la revue Shibi, et Kusatao Nakamura (1901-1983) de Hototogisu sont les auteurs principaux de ces haïkus. En 1939, ils nomment leur groupe « Ningen Tankyû-ha » (école de recherche humaine), selon les mots de Hakyô Ishida. Rinka Ôno (1904-1982), Tomoshi Ishizuka (1906-1986) et Takeo Nakajima (1908-1988) publient des poèmes du même esprit.

Les feuilles continuent de tomber :
ne te hâte pas,
ne te précipite pas !
Shûson Katô

            4.5 Haïku prolétarien et Shinkô Haiku (1930-) 

De la fin de la période Taisho au début de Showa, sous l’influence du mouvement socialiste prolétaire en Russie et ailleurs, un mouvement de haïku prolétarien voit le jour au Japon. En 1930, Issekiro Kuribayashi et Mudô Hashimoto (1903-1974), ayant tous les deux quitté le groupe de la revue Sôun, de Seissensui, créent la revue Hata et publient leurs haïkus prolétariens en forme de « Jiyuritsu haiku » (haïku de forme libre). Du fait de la censure des autorités durant la période d’avant-guerre, leur revue fusionne souvent avec une autre ou restreint sa publication.

En 1934, le magazine du haïku prolétarien, Haiku Seikatsu, est créé et développe un mouvement littéraire de gauche, critiquant le concept de « kachô fuei » (beauté de la nature) de Hototogisu comme une évasion de la réalité. Parmi les poètes de « Shinkô haiku » de la même période, sous la bannière anti Hototogisu, Genji Hosoya, Shunrei Hakadai et Kyôzô Higashi tentent de figurer la réalité et soutiennent le haïku des travailleurs, reflet des difficultés de la vie quotidienne.

Vomissement
de nuages de fumée
sang noir
Takeji Ozawa

Les machines
réclament de l’huile, la nuit
s’avance, tard
Rinji Yokoyama

            4.6  Fin du movement du Shinkô Haiku (Haïku de style nouveau) (1935-)

En 1936, ayant observé les courant actifs du mouvement pour un haïku sans saison, Kyoshi expulse Zenjidô Yoshioka, Sôjô Hino et Hisajo Sugita du groupe Hototogisu. D’autre part, après le milieu des années 1930, Shûoshi, de la revue Ashibi, tente d’écrire des haïkus de forme fixe avec des mots de saison et prend ses distances avec le mouvement du haïku sans saison ; de ce fait, Sôshû Takaya et Tatsunosuke Ishibashi, ainsi que d’autres poètes innovants, se retirent du groupe Ashibi.

Quand la guerre sino-japonaise commence en 1937, des poètes de haïku comme Sosei Hasegawa (1907-1946), Kakio Tomizawa, Tôshi Katayama, Bojô Uchida (1881-1946) et d’autres sont enrôlés. Des poètes du « Shinkô haiku » et de Hototogisu introduisent des thèmes de guerre dans leur haïku. Du mouvement du « Shinkô haiku », Sanki Saitô et Seishi Yamaguchi lancent l’idée que même les haïjins non enrôlés devraient écrire des haïkus de guerre, utilisant leur imagination, et des haïkus sans saison anti-guerre « senka-sôbô » (haïku de champ de bataille imaginaire) sont écrits par des poètes non combattants.

De la colline on voit                  
cette ville mystérieuse   
appelée le « home front »          
Hakusen Watanabe

Ayant tiré vers le ciel
le canon du fusil des prés
s’enfuit
Toshio Mitsuhashi

            4.7 Haiku Jiken (Incidents dans le haïku) et fin du mouvement du « Shinkô Haiku »

Suite à l’incident de Mandchourie (1931), le Japon prépare la guerre avec la Chine (1937-) et la guerre du Pacifique (1941-1945). Satires politiques et idées libérales sont exprimées dans le mouvement « Shinkô haiku » de cette époque. Pendant la période de guerre, les autorités de police suppriment toute expression libre de ce genre par les poètes de haïku. Plusieurs incidents ont lieu à la suite desquels les principaux poètes de l’école du « Shinkô haiku » sont arrêtés, l’un après l’autre, pour violation de la loi de maintien de l’ordre public. D’abord, ce sont les incidents du Kyodai Haiku (groupe de l’Université de Kyoto) au cours desquels sont arrêtés Seitô Hirahata, Hakubunchi Inoue et Eibô Nichi. Ensuite on arrête des poètes vivant à Tokyo : Tatsunosuke Ishibashi, Hakusen Watanabe, Akira Mitani et Sanki Saïtô. Des « haiku jiken » ont lieu l’année suivante (1941) avec l’arrestation des poètes du groupe Dojô (Seihô Shimada, Kayao Huruya et Kyozô Higashi), du groupe Ku to Hyôron (Hatsumi FUjita, Genji Hosoya) et du groupe Haiku Seikatsu (Issekiro Kuribayashi et Mudô Hashimoto).

La publication d’une anthologie de « Shinkô haiku » est commencée en 1940, et au printemps de la même année est créée la revue générale du mouvement du « Shinkô haiku » : Tenko. Mais la revue est contrainte d’interrompre sa publication au troisième numéro. C’est ainsi que le mouvement d’innovation dans le haïku, devenu puissant dans la première moitié du 20° siècle, finit pas s’interrompre du fait des expériences durant la guerre. Cependant, le « Shinkô haiku » a amené le haïku à un niveau poétique qui exprime non seulement le « kachô fuei » (beauté de la nature) mais aussi l’esprit humain, au niveau de la poésie moderne occidentale. Les travaux de ce mouvement ont encore une large influence sur les poètes et les lecteurs d’aujourd’hui.

Un doigt blessé                        
s’élève vers le paradis              
emporté par le vent                  
Genji Hosoya

Guerre en vue                            
j’applaudis tout du long            
un match de boxe                                 
Akira Mitani

Le haïku japonais au 20ème siècle (1)



TEXTE - Toshio KITAMURA,
Traduit en francais par Jean ANTONINI
Traduit en roumain par Valentin Nicoliţov


1 – Introduction

Le haïku japonais moderne a été modifié il y a cent ans. Auparavant, c’était le haïkaï (versets composés entre plusieurs poètes ; d’abord le hokku, 5-7-5, verset long, puis le wakiku, 7-7, verset court. Le hokku fut séparé du haïkaï et devint un nouveau type de verset, pour un poète seul. C’était l’entrée du Japon dans l’ère moderne et le haïku, avec ses caractéristiques, a été changé pour s’adapter à l’époque moderne.

2 – Aube du haïku moderne japonais (1890 – 1900) (Shiki Masaoka et l’innovation dans le haïku.)

L’ère moderne japonaise commence avec le passage du pouvoir entre le dernier Shôgun Tokugawa Yoshinobu et la cour impériale en 1867. C’est la fin de la période Edo (1603-1868) et le début de l’ère Meiji (1868-1912). C’est une période de changement radical, passage du féodalisme au capitalisme. L’isolement japonais prend fin, les idées occidentales pénétrent d’un seul coup dans le pays, et le Japon entier se jette dans une explosion culturelle à travers la rapide modernisation et occidentalisation. Tandis que le système politique se modifie profondément en quelques années, la vague de modernisation atteint aussi le monde traditionnel du haïku.

Le haïku est alors le premier verset d’une poésie haïkaï et s’appelle hokku. Au début de l’ère Meiji, le haïkaï traditionnel était pratiqué sans grand changement par rapport à la période Tokugawa. Près de 200 ans s’étaient écoulés depuis l’époque de Bashô, le grand poète de haïkaï de la période Edo, et le haïkaï était devenu une poésie sans attrait, pleine d’expressions banales au parfum artistique faible. Devant ce fait, Shiki Masaoka (1867-1902) soutient une modernisation du haïkaï qui convienne au Japon moderne.

Dans le milieu de l’ère Meiji, Shiki rejette le vieux style haïkaï : il l’appelle tsukinami haiku (haïku commun) et tente de le réformer. Il ressent les versets du haïkaï traditionnel trop liés les uns aux autres, sans espace poétique entre eux, et estime que cela n’est pas un style moderne. Il est arrivé que le hokku soit utilisé comme verset indépendant durant l’ère Meiji ; Shiki supprime intentionnellement les versets additionnels du haïkaï pour fonder un hokku indépendant : poème d’une strophe (5-7-5), écrit en japonais sur une ligne 5-7-5, qui transforme le haïkaï en « haïku ». Alors que Bashô est déjà idolâtré à cette époque, Shiki n’admire pas seulement Bashô mais tente de mettre en valeur la diversité dans l’expression du haïku. Shiki souligne la position objective de Buson, qui s’est épanouie une centaine d’années auparavant.

Le Réalisme est devenu un courant de pensée parmi les nouvelles idées venues d’Europe, et Shiki propose le concept de « shasei » (croquis), tentant d’exprimer ses propres sensations dans un croquis haïku. Shiki en vient à représenter le courant principal du haïku durant la période Meiji. Le journal Nippon (Japon) est le bastion de Shiki et de son école ; ils sont appelés « Nippon-ha » (École de Japon) et leur revue,  Hototogisu, est publiée pour la première fois en 1897. A travers le mouvement d’innovation de Shiki, le haïku est transformé en une forme littéraire nouvelle, adaptée au Japon moderne de l’ère Meiji, et il retrouve de la fraîcheur. 

Tant de fois                                          
je me suis interrogé                               
sur la profondeur de la neige                 

Un certain moine                                  
était parti sans attendre             
l’apparition de la lune                           
SHIKI Masaoka


3 – Développement du haïku moderne (1900 – 1928)

            3.1 Shin-keikô Haiku » (le nouveau courant du haïku), Hekigotô Kawahigashi (début 1900)

Après la mort de Shiki, Hekigotô Kawahigashi (1847-1937) prend la direction des publications de haïku dans le journal Nippon, tandis que la revue Hototogisu est dirigée par Kyoshi Takahama. Ces deux principaux disciples de Shiki développent bientôt des idées différentes en matière de haïku et empruntent des directions poétiques divergentes. Hekigotô ressent l’importance de suivre un style personnel progressiste pour développer le haïku de l’école de Shiki. Sa nouvelle façon tend à représenter un phénomène intime par une expression subjective. Cette manière est très admirée, ainsi que l’indique l’expression fréquente : « Sans nouveau courant de haïku, pas de haïku. » Elle devient le style dominant durant la période Meiji. 

Plus tard, Hekigotô propose le « muchûshin haiku » (haïku sans centre d’intérêt) comme le but poétique de son « Shin-keikô haiku » (1910 -). Cependant, l’idée de mettre en doute l’existence du centre ou du tout dans le haïku était trop précoce pour être comprise. Ce « muchûshin haiku » rend son style poétique difficile sans parvenir à une réalisation convaincante. Le « Shin-keikô haiku » décline au moment même de l’éclosion du nouveau « Jiyuritsu haiku » (haïku de forme libre) au début de l’ère Taishô (1912-1926). Cependant, le « Shin-keikô haiku » incarne l’attitude philosophique à laquelle Shiki adhérait : le haïku progresse en s’écartant du style traditionnel.

Un camélia rouge                     
puis un camélia blanc                
tombe  

Printemps froid…                     
nuages sans racines au-dessus  
des rizières                               
Hekigotô Kawahigashi

            3.2 « Jiyûritsu Haiku » (Haïku de forme libre) (1910 -)

 « Jiyûritsu Haiku » est une autre réforme du haïku, une façon de s’étendre du « Shin-keikô haiku ». C’est la recherche d’une liberté de l’esprit poétique du haïku, sans vouloir modifier les éléments traditionnels : thèmes, forme fixe ou expressions littéraires anciennes.

Seisensui Ogiwara (1884-1976) fonde la revue de haïku Sôun en 1911, avec Hekigotô, comme un journal de « Shin-keikô haiku ». Seisensui étudie alors la poésie occidentale et pense à la suppression des thèmes conventionnels de saison, et même de la forme fixe du haïku. En 1913, il se sépare du mouvement « Shin-keikô haiku » et recommande le « Jiyûritsu haiku ». Bientôt, la revue Sôun apporte un fort soutien au « Jiyûritsu haiku ».
 
Au début de la période Taisho (1912-1926), le groupe de Kyoshi avait soutenu la forme fixe traditionnelle avec les mots de saison. Les disciples poétiques de Seisensui, Santôka Taneda (1882-1940), Hôsai Ozaki (1885-1926), Issekiro Kuribayashi (1894-1961) sont des poètes typiques du « Jiyuritsu haiku ». Au même moment, Ippekiro Nakatsuka (1887-1946) prend la direction de la revue de Hekigotô, Kaikô (créée en 1915) et publie les familiers du « Jiyûritsu haiku ». Les œuvres de Santôka et de Hôsai, liées à leur vie de vagabondage comme poètes ermites, sont encore aujourd’hui populaires pour nombre de lecteurs.

Traversant le ciel                      
si claire et argentée                   
la lune seule                              
Seisensui Ogiwara

Malade, je sens                        
au-dessus de mon futon            
la mer bleue d’hiver                  
Ippekirô Nakatsuka

3.3 « Kyakkan Shasei (croquis objectif dans le haïku), Kyoshi Takahama et le haïku traditionnel (1915 -)

Le grand disciple poétique de Shiki, Kyoshi Takahama (1874-1959), l’égal de Hekigotô, a pris la direction de Hototogisu, la revue du groupe Nippon-ha. Mais, vers la fin de l’ère Meiji, Kyoshi cesse d’écrire des haïkus et se passionne pour l’écriture du roman et des croquis littéraires en prose. À l’époque, Hototogisu publie des romans de Sôseki Natsume et ressemble davantage à une revue littéraire générale qu’à une revue de haïku. Voyant que son rival, le « Shin-keikô haiku » de Hekigotô devient si répandu dans tout le Japon, Kyoshi renoue avec l’écriture du haïku en 1913, au début de la période Taishô, et prend position pour la manière traditionnelle du haïku, en opposition au nouveau style de Hekigotô. 

En 1915, Kyoshi publie dans Hototogisu un essai en épisodes : « La voie du haïku à prendre », qui soutient son « Kyakkan shasei » (croquis objectif ou réaliste en haïku) et suggère de définir le haïku comme une forme poétique fixe traditionnelle avec les mots de saison. Brièvement, il poursuit un thème subjectif, tâtonnant vers un nouveau style de haïku traditionnel, mais finalement, vers 1916, il s’arrête au point de vue suivant : le « Kyakkan shasei » devrait être un standard.

Malgré qu’elle soit                      
nommée pivoine blanche           
un soupçon de cramoisi

La lumière d’hiver                    
posée sur mes paupières           
semble lourde                           
Kyoshi Takahama


            3.4 Les avancées de Hototogisu (vers 1920)

Kyoshi étant occupé à écrire des romans, la section haïku de Hototogisu a été interrompue ; mais elle reprend dans la période Taishô alors que Kyoshi revient au haïku. Les poètes Suiha Watanabe (1882-1946), Kijô Murakami (1865-1938), Dakotsu Lida (1885-1962), Fura Maeda (1884-1954) et Sekitei Hara (1886-1951) sont publiés dans Hototogisu à cette période et écrivent des haïkus du point de vue traditionnel de l’école, en opposition au « Shin-keikô haiku ».

Dans le même temps, Hotogisu publie avec enthousiasme les travaux de femmes poètes. Kanajo Hasegawa (1887-1969), Midorijo Abe (1886-1980), Hisajo Sugita (1890-1946) et Shizumojo Takeshita (1887-1951) apparaissent autour de 1920. Elles construisent la voie qui a conduit l’écriture pleine de succès du haïku par des femmes.

Une abeille en hiver                  
sans lieu pour mourir                
continue à errer            
Kijô Murakami

Que mon visage                       
qui a vu les fleurs de cerisier     
soit frappé par l’obscurité         
Fura Maeda

            3.5 « Kachô Fûei » (Haïku de la beauté de la nature) et les quatre S (1926 -)

En 1928, début de l’ère Shôwa (1926-1989), Kyoshi défend le « kachô fûei », en plus de son style « kyakkan shasei ». Dans le but de rendre clair le style du haïku traditionnel, il soutient que le haïku devrait exprimer les phénomènes naturels produits par le changement des saisons ou les affaires humaines liées aux saisons. À l’encontre de ce point de vue, il y a eu de nombreux arguments pour le dépassement des thèmes en littérature : les thèmes du haïku moderne ne doivent pas être restreints aux phénomènes liés aux saisons. Malgré tout, l’idée que le haïku moderne devrait être un poème de style traditionnel est devenue l’une des idées courantes dans le monde du haïku jusqu’à aujourd’hui.

Les dix années qui commencent en 1925, fin de l’ère Taishô et début de l’ère Shôwa, sont appelées « Période des quatre S ». Les quatre S sont : Shuôshi Mizuhara (1892-1981), Sujû Takano (1893-1976), Seiho Awano (1899-1992) et Seishi Yamaguchi (1901-1994). En 1928, Seison Yamagushi (1892-1988) désigne ces poètes actifs comme « les quatre S » : « Il y a les deux S de Shûôshi et Sujû à l’est du Japon, et les deux autres S de Seiho et Seishi à l’ouest. » A côté d’eux, Bôsha Kawabata (1897-1941) et Takashi Matsumoto (1906-1956) sont actifs également.

Les haïkus de femmes poètes fleurissent aussi : Teijo Nakamura (1900-1988), Tatsuko Hoshino (1903-1984), Takako Hashimoto (1899-1963) et Takajo Mitsuhashi (1899-1972) sont appelées « Les quatre T ». Plusieurs revues de haïku sont créées par des femmes, en association avec Hototogisu : Suimei (Kanajo Hasegawa, 1887-1969), Tamamo (Tatsuko Hoshino), Hana-goromo (Hisajo Sugita, 1890-1946), Komakusa (Midorijo Abe, 1886-1980), et d’autres.

Katsushika –                            
 une haie de pêchers aussi         
le long de la rizière                    

Shûôshi Mizuhara

Comme je vais en chemin           
la rosée tombe sur moi –          
fleurs de kudzu              Takako Hashimoto