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luni, 3 februarie 2014

Le haïku japonais au 20ème siècle (2)



4 – Modernité – Tournant dans le haïku (1930-45)

            4.1 Ashibi et l’arrivée du « Shinkô haiku (Haïku de style nouveau) (1931 -)

Dans les années 30 (début de la période Shôwa) émerge un autre mouvement innovant qui tend à définir le haïku comme un poème moderne avec un esprit universel, en opposition au groupe de Kyoshi qui réduisait le haïku à un poème traditionnel, en relation avec la seule beauté de la nature. Un poète des quatre S, Shûôshi Mizuhara, évolue vers une opinion différente en matière de haïku, définissant son propre style subjectif opposé au « kyakkan shasei » ou« kachô fuei » de Kyoshi. 

La revue Ashibi, dirigée par Shûôshi, est à l’origine affiliée à Hototogisu. Shûôshi publie l’essai « Vérité dans la Nature et vérité dans la Littérature », et critique l’insignifiant « kyakkan shasei » de Sujû et d’autres poètes de Hototogisu. En 1931, Shûôshi se sépare de Hototogisu. Un mouvement anti tradionnaliste « Shinkô Haiku » voit alors le jour. Suite à cet incident, Ashibi rompt avec Hototogisu et met l’accent sur une expression lyrique romantique à travers le « rensaku haiku » (haïku lié), que Shûôshi avait déjà tenté en 1928 dans Hototogisu.

De jeunes poètes comme Sôshû Takaya (1910-1999), Tatsunosuke Ishibashi (1909-1948), Hakyô Ishida (1913-1969) et Shûson Katô (1905-1993) se rallient à Ashibi, et en 1935, Seishi Yamaguchi, autre poète des Quatre S, quitte Hototogisu pour rejoindre ce groupe.

Attendant le bus                                   
printemps sur la large avenue                
Je n’ai pas de doute                             
Hakyô Ishida

Un pigeon sauvage !                             
Regarde, et tout autour             
la neige tombe                                      
Sôshû Takaya

            4.2 « Muki Haiku (Haïku sans saison) avec le mouvement « Shinkô Haiku » (1930 -)

A l’ère Showa, les idées occidentales pénétrant au Japon ont un impact presque immédiat sur le haïku, alors que leur effet avait été différé sur le haïku traditionnel durant l’ère Meiji. De fait, l’individualisme, l’esprit fondamental de la modernité, est déjà bien établi au Japon. La recherche de thèmes libres dans le haïku est liée à l’individualisme et précède le mouvement surréaliste en Europe. Dans le courant de pensée de l’époque, les esprits en recherche de liberté entreprennent de remettre en cause l’idée traditionnelle de la présence indispensable du mot de saison dans le haïku. En fait, dans la prise de conscience du vécu, les mots de saison requis pour le haïku semblent être des éléments artificiels. Il y a également un problème avec les mots de saison dans le « rensaku haiku ».

Dans les débuts du mouvement « Shinkô haiku », on compose beaucoup de « rensaku haiku ». Dans le rensaku, il arrive que plusieurs mots de saison soient présents, ou bien aucuns. Cela fait naître des arguments pour l’existence du « muki haiku «  (haïku sans saison). Au tout début du « Jiyuritsu haiku », considérant tous les éléments structurels du haïku, notamment les mots de saison et la forme fixe, le mouvement accepte les haïkus sans saison, ainsi que la destruction de la forme fixe. Par contre, pour le mouvement du « Shinkô haiku, la discussion se focalise sur le mot de saison seul, et donc le haïku sans saison est accepté avec la forme fixe.

            4.3 Autres revues du mouvement du « Shinkô Haiku » - la période principale (1930 -)

La revue Amanogawa, créée en 1918 et dirigée par Zenjidô Yoshioka (1889-1961) est un autre espace de développement du mouvement « Shinkô haiku » en lien avec Ashibi. Amanogawa est aussi affiliée à Hototogisu, mais à partir de la fin des années 1920, elle soutient le mouvement du « Shinkô haiku ». Dès 1935, Zenjidô soutient le mouvement anti-traditionnel, mené à l’origine par Shûôshi, pour un haïku sans saison. Amanogawa fait connaître des poètes tels que Hakkô Yokoyama (1899-1983) et Hôsaku Shinohara (1905-1936), et forme un autre centre de modernisation du haïku.

La revue Kikan (créée en 1935), dirigée par Sôjô Hino, qui fait partie du comité de sélection de Hototogisu, tend vers des thèmes libres et non conventionnels de la littérature moderne, et mène le mouvement du haïku sans saison. Kakio Tomizawa (1902-1962) écrit des haïkus exprimant la solitude de l’âme au-delà des thèmes saisonniers. Il crée un style nouveau dans le haïku, lié à la poésie moderne. Sanku Saitô (1900-1962), Saishi Kamio (1911-1997) et Tôshi Katayama (1912-1944) publient aussi avec ce nouveau style dans Kikan.

Kyodai haiku, revue créée en 1933 par les groupes impliqués dans l’Université de Kyoto (Kyodai) est aussi influencée, à l’intérieur du groupe de Hototogisu, par le modernisme et accepte les haïkus sans saison. Parmi ses membres : Seitô Hirahata (1905-1997), Hakubunchi Inove (1904-1945), Sayû Togô (1908-1991) et Eibô Nichi (1910-1993). À côté de ceux-ci, des poètes non impliqués dans l’Université de Kyoto rejoignent la revue : Sanki Saitô, Akira Mitani (1911-1978), Hakusen Watanabe (1913-1969), Sôshû Takaya, Tatsunosuke Ishibashi et Toshio Mitsuhashi. Kyodai Haiku devient le nouveau soutien de la liberté dans le mouvement du « Shinkô haiku ».

La revue Ku to Hyoron, créée en 1931 par Jizôson Matsubara (1897-1973), Hatsumi Fujita (1905-1984) et Yôichiro Minato (1900-2002) devient une revue de Shinkô haiku vers 1935. Les plus connus de ses membres sont Hakusen Watanabe et Genji Hosoya (1906-1970).

La revue Dojo, créée en 1922, est dirigée par Seihô Shimada (1882-1944). Kayao Furuya (1904-1083) et Kyôzô Higashi (1901-1977) y publient leurs haïkus sans saison.

Un malade des poumons                                  
Une luciole venue d’un autre monde                  
éclaire sa main                                                  
Hakkô Yokoyama

La tête d’un crapaud                            
pénètre le rêve                                     
d’un malade du typhus              
Sayû Tôgo

            4.4 « Ningen Tankyû-ha » (Ecole de la recherche humaine) (vers 1935)

Vers 1935 apparaît un groupe de haïku différent de l’orientation des courants sociaux ou de l’expression artistique du « Shinkô haiku », et qui se démarque du goût pour la nature et les thèmes saisonniers des écoles traditionnelles. Leurs haïkus introduisent l’idée nouvelle d’explorer l’être humain, mais ils sont difficiles à comprendre et à apprécier. Hakyô Ishida et Shûson Katô, de la revue Shibi, et Kusatao Nakamura (1901-1983) de Hototogisu sont les auteurs principaux de ces haïkus. En 1939, ils nomment leur groupe « Ningen Tankyû-ha » (école de recherche humaine), selon les mots de Hakyô Ishida. Rinka Ôno (1904-1982), Tomoshi Ishizuka (1906-1986) et Takeo Nakajima (1908-1988) publient des poèmes du même esprit.

Les feuilles continuent de tomber :
ne te hâte pas,
ne te précipite pas !
Shûson Katô

            4.5 Haïku prolétarien et Shinkô Haiku (1930-) 

De la fin de la période Taisho au début de Showa, sous l’influence du mouvement socialiste prolétaire en Russie et ailleurs, un mouvement de haïku prolétarien voit le jour au Japon. En 1930, Issekiro Kuribayashi et Mudô Hashimoto (1903-1974), ayant tous les deux quitté le groupe de la revue Sôun, de Seissensui, créent la revue Hata et publient leurs haïkus prolétariens en forme de « Jiyuritsu haiku » (haïku de forme libre). Du fait de la censure des autorités durant la période d’avant-guerre, leur revue fusionne souvent avec une autre ou restreint sa publication.

En 1934, le magazine du haïku prolétarien, Haiku Seikatsu, est créé et développe un mouvement littéraire de gauche, critiquant le concept de « kachô fuei » (beauté de la nature) de Hototogisu comme une évasion de la réalité. Parmi les poètes de « Shinkô haiku » de la même période, sous la bannière anti Hototogisu, Genji Hosoya, Shunrei Hakadai et Kyôzô Higashi tentent de figurer la réalité et soutiennent le haïku des travailleurs, reflet des difficultés de la vie quotidienne.

Vomissement
de nuages de fumée
sang noir
Takeji Ozawa

Les machines
réclament de l’huile, la nuit
s’avance, tard
Rinji Yokoyama

            4.6  Fin du movement du Shinkô Haiku (Haïku de style nouveau) (1935-)

En 1936, ayant observé les courant actifs du mouvement pour un haïku sans saison, Kyoshi expulse Zenjidô Yoshioka, Sôjô Hino et Hisajo Sugita du groupe Hototogisu. D’autre part, après le milieu des années 1930, Shûoshi, de la revue Ashibi, tente d’écrire des haïkus de forme fixe avec des mots de saison et prend ses distances avec le mouvement du haïku sans saison ; de ce fait, Sôshû Takaya et Tatsunosuke Ishibashi, ainsi que d’autres poètes innovants, se retirent du groupe Ashibi.

Quand la guerre sino-japonaise commence en 1937, des poètes de haïku comme Sosei Hasegawa (1907-1946), Kakio Tomizawa, Tôshi Katayama, Bojô Uchida (1881-1946) et d’autres sont enrôlés. Des poètes du « Shinkô haiku » et de Hototogisu introduisent des thèmes de guerre dans leur haïku. Du mouvement du « Shinkô haiku », Sanki Saitô et Seishi Yamaguchi lancent l’idée que même les haïjins non enrôlés devraient écrire des haïkus de guerre, utilisant leur imagination, et des haïkus sans saison anti-guerre « senka-sôbô » (haïku de champ de bataille imaginaire) sont écrits par des poètes non combattants.

De la colline on voit                  
cette ville mystérieuse   
appelée le « home front »          
Hakusen Watanabe

Ayant tiré vers le ciel
le canon du fusil des prés
s’enfuit
Toshio Mitsuhashi

            4.7 Haiku Jiken (Incidents dans le haïku) et fin du mouvement du « Shinkô Haiku »

Suite à l’incident de Mandchourie (1931), le Japon prépare la guerre avec la Chine (1937-) et la guerre du Pacifique (1941-1945). Satires politiques et idées libérales sont exprimées dans le mouvement « Shinkô haiku » de cette époque. Pendant la période de guerre, les autorités de police suppriment toute expression libre de ce genre par les poètes de haïku. Plusieurs incidents ont lieu à la suite desquels les principaux poètes de l’école du « Shinkô haiku » sont arrêtés, l’un après l’autre, pour violation de la loi de maintien de l’ordre public. D’abord, ce sont les incidents du Kyodai Haiku (groupe de l’Université de Kyoto) au cours desquels sont arrêtés Seitô Hirahata, Hakubunchi Inoue et Eibô Nichi. Ensuite on arrête des poètes vivant à Tokyo : Tatsunosuke Ishibashi, Hakusen Watanabe, Akira Mitani et Sanki Saïtô. Des « haiku jiken » ont lieu l’année suivante (1941) avec l’arrestation des poètes du groupe Dojô (Seihô Shimada, Kayao Huruya et Kyozô Higashi), du groupe Ku to Hyôron (Hatsumi FUjita, Genji Hosoya) et du groupe Haiku Seikatsu (Issekiro Kuribayashi et Mudô Hashimoto).

La publication d’une anthologie de « Shinkô haiku » est commencée en 1940, et au printemps de la même année est créée la revue générale du mouvement du « Shinkô haiku » : Tenko. Mais la revue est contrainte d’interrompre sa publication au troisième numéro. C’est ainsi que le mouvement d’innovation dans le haïku, devenu puissant dans la première moitié du 20° siècle, finit pas s’interrompre du fait des expériences durant la guerre. Cependant, le « Shinkô haiku » a amené le haïku à un niveau poétique qui exprime non seulement le « kachô fuei » (beauté de la nature) mais aussi l’esprit humain, au niveau de la poésie moderne occidentale. Les travaux de ce mouvement ont encore une large influence sur les poètes et les lecteurs d’aujourd’hui.

Un doigt blessé                        
s’élève vers le paradis              
emporté par le vent                  
Genji Hosoya

Guerre en vue                            
j’applaudis tout du long            
un match de boxe                                 
Akira Mitani

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